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Curieuses histoires de l'histoire : l'Opéra

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Curieuses histoires de l'histoire : l'Opéra Empty Curieuses histoires de l'histoire : l'Opéra

Message  Mrs Dalloway Sam 26 Déc - 2:48

Par hasard, dans mes rayonnages de bouquins, je suis tombée sur celui-ci : Curieuses histoires de l'Histoire de Guy Breton, quelques petites choses savoureuses, récits anecdotiques et amusants. Et puis, comme un chapitre est consacré à l'Opéra, je ne pouvais que le partager ! Wink Désolée pour les fautes de frappe éventuelles ! Embarassed



Le théâtre de l’opéra n’existe plus depuis 1805. Pourtant, depuis plus d’un siècle et demi, nous continuons de nous y rendre …
Histoire extravagante, en apparence, mais qui s’explique par le fait que le public a adopté ce nom une fois pour toutes et qu’il ne viendrait à l’idée de personne de dire : « Ce soir, chérie, je t’emmène voir Faust à l’Académie nationale de Musique. » Ce qui est, cependant, le titre officiel de notre première scène lyrique.
Débaptisé fort souvent, changeant douze fois de salle avant de se fixer, à la fin du XIXe siècle, en ce Palais Garnier qu’on a comparé à un vol-au-vent, l’Opéra est le théâtre parisien dont la vie fut la plus mouvementée.
Fondée en 1669 par l’abbé Perrin et le compositeur Cambert, l’Académie royale de Musique et de Danse s’installa tout d’abord salle du Jeu de Paume de la Bouteille, qui se trouvait située rue des Fossés-de-Nesle, sur l’emplacement de notre rue Mazarine. Les deux directeurs furent, d’ailleurs, rapidement supplantés par un ami du roi, petit homme jaloux mais musicien de talent, qui s’appelait Jean-Baptiste Lulli. A première décision du Florentin fut de changer de salle : et il transporta l’Opéra naissant dans un autre jeu de paume, celui du Bel-Air, rue de Vaugirard. Jean-Baptiste Lulli, en 1673, trouvant que le Luxembourg était un quartier lointain et peu propre à attirer la foule, intrigua pour obtenir le théâtre du Palais-Royal que la mort de Molière venait de rendre disponible. Il y monta bientôt des spectacles somptueux.


En 1763, le théâtre du Palais-Royal prit feu, et l’Opéra s’installa pour six ans aux Tuileries, dans la salle des machines que l’on transforma. Or, malgré les modifications apportées par l’architecte Soufflot, l’acoustique fut jugée défectueuse. On trouvait la salle un peu sourde.
- Elle est bien heureuse, soupiraient les spectateurs.
Il faut dire que depuis quelques années, l’orchestre était des plus médiocres.
En 1770, l’Opéra émigra rue Saint Honoré, dans un édifice spécialement aménagé, dont l’entrée se trouvait place du Palais-Royal. Malheureusement, onze ans plus tard, en 1781, le feu vint, une fois encore, troubler les fêtes et chasser musiciens et danseurs, qui se réfugièrent dans la salle des Menus Plaisirs du Roi, rue Bergère.
Tandis qu’ils s’installaient tant bien que mal dans cet endroit exigu, Marie-Antoinette, faisait venir l’architecte Lenoir et lui tenait avec un grand calme ces propos stupéfiants :
- Monsieur, vous êtes chargé de construire le nouvel Opéra. Or, écoutez-moi bien. Nous sommes le 27 août. Si le 31 octobre j’ai la clef de ma loge, le Cordon de l’Ordre de Saint-Michel vous sera remis en échange …
Lenoir promit. Et le 31 octobre, c’est-à-dire exactement 65 jours plus tard, le nouvel Opéra était terminé.
La première représentation fut offerte gracieusement aux Parisiens qui vinrent en foule sans se douter qu’ils allaient permettre à Lenoir d’éprouver la solidité de son édifice. Leur présence n’ayant provoqué qu’un « léger fléchissement des murs », le lendemain, la reine, rassurée, inaugura la salle qui prit le nom de théâtre de la Porte-Saint-Martin.
Avec la Révolution, l’ »Académie royale de Musique » fut débaptisée, et, pour la première fois de son histoire, s’appela en 1791, théâtre de l’Opéra. Ce nom lui sera laissé trois ans seulement. Elle ne le portera officiellement jamais plus.
Dès 1794, la compagnie déménagea encore une fois, s’installa rue de Richelieu en face de la Bibliothèque nationale, sur l’emplacement de notre square Louvois et devint le « théâtre des Arts. » Lequel prendra, un peu plus tard, la dénomination de « théâtre de la République et des Arts » …
A partir de 1803, le mot République disparut. A l’avènement de Napoléon Ier, l’Opéra reconquit son ancien titre avec la modification inévitable d’Académie impériale de Musique. En 1814, royale remplaça impériale, qui remplaça royale aux Cents Jours et redevint royale à la Restauration.
Tant et si bien que le maître de ballet lui-même ne savait plus sur quel pied danser …


Le soir du 13 février 1820, l’Opéra donnait un spectacle de gala auquel s’étaient rendus le duc et la duchesse de Berry. A la sortie, un homme se précipita sur le duc et lui plongea un couteau dans la poitrine jusqu’à la garde. Deux heures plus tard, en présence de son oncle le roi Louis XVIII, le duc rendait le denier soupir. Cet assassinat devait avoir des conséquences inattendues sur la destinée de l’Opéra. En effet, l’archevêque de Paris n’avait consenti à donner les derniers sacrements au duc de Berry qu’à la condition expresse de voir disparaître le théâtre. Celui-ci fut donc fermé dès le lendemain et détruit.
L’Opéra dut de nouveau émigrer. Il s’installa salle Favart puis, en 1821, au 12 de la rue Le Peletier. C’est là qu’il allait connaître ses plus belles années de splendeur.
Le Foyer de la Danse, ouvert au public en 1836, y était fréquenté par tout ce que Paris comptait de riche, de beau et d’éventuellement protecteur… Chacun faisait son choix. Et du jour au lendemain – ces transformations ayant généralement lieu de nuit – une ballerine se trouvait à la tête d’une rente, d’un équipage, voire d’un hôtel.
La chose fut bientôt admise, au point qu’un rédacteur de la Gazette musicale pouvait écrire à ce propos et sans troubler personne : « L’Opéra est un vaste bazar, une exhibition continuelle de tous les sentiments du cœur et des avantages physiques des deux sexes, mais plus particulièrement du sexe féminin. »
Une danseuse, Pauline Duvernay, ayant un jour refusé les cent mille francs que lui offrait un grand seigneur russe, l’histoire scandalisa l’Opéra. Par contrecoup, elle fit le malheur d’un jeune secrétaire d’ambassade qui crut au désintéressement de la ballerine et vint lui offrir sa vie.
Elle se contenta de lui répondre doucement :
- Ce sont des mots Monsieur. Je suis sûre que si je vous priais de me donner une de vos dents, vous me la refuseriez.
Le jeune homme courut chez un dentiste, revint avec une dent, et, pour prouver qu’il ne l’avait pas achetée d’occasion, montra sa mâchoire.
- Ah ! Mon Dieu ! s’écria la ballerine, vous vous êtes trompé. C’est celle de dessous que je voulais.
Le malheureux eut une syncope.


De toutes ces danseuses, trois noms seulement ont survécu : la Taglioni, Carlotta Grisi et Fanny Essler. Marie Taglioni débuta à l’Opéra en 1827. Elle n’était ni jolie ni bien faite, on la trouvait même plutôt bossue mais elle devint la première danseuse de son temps. Victor Hugo, lui envoyant un livre, lui écrivit cette dédicace inattendue : « A vos pieds, à vos ailes. »
Elle lança le tutu et la maillot collant. Sous la Restauration, en effet, le directeur des Beaux-Arts avait imposé aux danseuses un long pantalon qui dépassait la jupe.

[…]

Un soir de juillet 1846, le spectacle de l’Opéra fut interrompu de façon amusante par un poète marseillais nommé Joseph Méry, qui se tenait au balcon.
L’orchestre comprenait, entre autres, deux cors, qui ce soir-là, jouaient terriblement faux. Incommodé par le bruit que faisaient au-dessous de lui ces deux instruments, Méry se leva et appela le chef d’orchestre :
- Monsieur Habeneck !
Toute la salle se retourna, y compris le chef d’orchestre et tous les musiciens.
- Monsieur Habeneck, reprit Méry, nous vous donnons huit cent mille francs pour avoir des cuivres. Ayez la bonté de m’extirper ces deux cors que j’ai à mes pieds.

[…]

C’est vers cette époque qu’un prussien nommé Kruine se fit sauter la cervelle au cours d’une représentation. Voici comment le Figaro du 4 juin 1854 conte l’événement : « Kruine s’était imposé, dans l’espoir d’obtenir la miséricorde, d’entendre, avant de mourir, le Prophète tout entier. Mais il ne se sentit pas le courage d’aller jusqu’au bout : « Dieu m’est témoin, murmura-t-il, que j’ai été jusqu’où mes forces me l’ont permis. » Il plaça le canon sous son menton, le coup partit et le malheureux tomba face contre terre.
« Le chef de la claque qui somnolait, réveillé par la détonation, et croyant qu’il s’agissait des pétards qui devaient éclater à la fin pour imiter le bruit de la bataille, donna le signal des applaudissements, de sorte que, de même qu’on avait fait une entrée à Chapuis, on fit une sortie à Kruine. »
Les journalistes de l’époque cultivaient l’humour noir.


Dans la nuit du 28 au 29 octobre 1873, l’Opéra fut, une fois de plus détruit par un incendie et dut se réfugier salle Vendôme mais, le 5 janvier 1875, il faisait son entrée solennelle dans l’édifice somptueux que venait d’ériger Charles Garnier sur l’emplacement du couvent des Capucines. Les plus grands artistes du temps avaient collaboré à cette œuvre et la comtesse de Martel, plus connue sous le nom de Gyp, avait même posé pour la fameuse Danse de Carpeaux.
Dans cette salle magnifique que Hitler vint visiter comme un voleur, à six heures du matin, un jour de juin 1940, Alfred Jarry, l’auteur du Père Ubu, provoqua un petit scandale. Du deuxième balcon, il interpella un certain soir, une ouvreuse pendant la représentation des Huguenots, et lui demanda en désignant lui-même l’orchestre :
- Madame l’ouvreuse, pourquoi permet-on aux spectateurs des premiers rangs d’apporter des instruments de musique et d’en jouer pendant que les gens s’ennuient ? Je trouve cela injuste !


Dans ce palais, qui fut longtemps le temple de l’analphabétisme, les petits élèves de l’école de danse ont, aujourd’hui à leur disposition une école qui les prépare au certificat d’études. Les futures étoiles seront donc inexcusables d’être aussi ignorantes que cette ballerine du XVIIe siècle qui écrivait à son amant : « Notre anfan ai maure. Vien de bonheur ; le mieu ai de te voir… »
On a dit que l’Opéra, avec ses dix kilomètres de couloirs, son lac artificiel pour les réserves d’eau des services de sécurité, son école, son puits, ses magasins de décors et de costumes, constituait véritablement une ville au milieu de Paris.
C’est vrai.
Une ville que son architecte s’est d’ailleurs amusé à signer. Dans le vestibule circulaire des abonnés, la rosace du plafond semble agrémentée d’un ornement de pure fantaisie ; or un peu de patience et de bons yeux révèlent des caractères très relâchés dont le développement donne : « Jean-Louis Charles Garnier, architecte, 1861-1875. » Mais il est bien peu de spectateurs qui s’en soient aperçus !...
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Message  Zac Sam 26 Déc - 15:34

Merci pour cet exposé , et plussain pour la peine !! Razz
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